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Qu’est-ce que c’est que ce cirque ?

Grande Halle de La Villette, 27 novembre 2012.

Chaque fois que j’en vois j’enfonce mentalement la même porte ouverte. Qu’est-ce que peut être le cirque, aujourd’hui ? Du théâtre sans texte, de la danse sans danse ? Du cirque ! me crieront les circophiles. Bon, mais moi, dans quel chapiteau j’erre ?

Voilà Circa, une compagnie de cirque australienne. Ce qui me frappe d’abord chez elle, et que j’apprécie, c’est le côté épuré, la bimbeloterie circassienne ramenée à l’os : juste un mât chinois, un trapèze, deux trois cubes de bois, quelques cerceaux, et une scène ordinaire. Par contre, du muscle. Des tonnes de muscles. Des cuisses en béton armé. Et puis, contrairement à une tendance contemporaine, Circa ne scénarise pas, mais assume complètement la succession plate des numéros. Le titre est malin : Wunderkammer, cabinet de curiosités. C’est hype, savant, sans tromper sur la marchandise.

Le muscle époustoufle, sans jamais céder à l’esbrouffe du spectaculaire. Au  point qu’oubliant l’exploit  physique, on finit par trouver naturels ces corps pliés en quatre ou volant à quelques millimètres du plancher. L’économie des accessoires fait du corps la matière principale du spectacle, le tirant du côté de la danse. Et lui conférant une certaine sécheresse aussi ; noble sans doute mais lassante sur la durée. L’essentiel se passe au ras du sol, dans l’interaction virtuose et puissante, à peine sensuelle, des corps.

On regrette l’humour un peu plat et l’émotion parcimonieuse. Un semblant de relations hommes-femmes s’esquisse, flirte timidement avec le burlesque, mais le tout reste décidément abstrait.

On sourit de la scène finale où, avant de saluer, les interprètes se dépouillent de leurs costumes de scène ; pour signifier sans doute que, acrobates hors pair, ils sont aussi des hommes-et-des -femmes-comme-vous-et-moi. Les habitués de la danse contemporaine connaissent par coeur ce poncif, qui semble déteindre sur le cirque contemporain (vu il n’y pas longtemps encore à la fin du This is the End de David Bobée). Après tout, il est d’usage que les artistes saluent en fin de spectacle, ils pourraient bien aussi s’y mettre à poil.